I LE CONTEXTE .
Les premiers appels à crédit par les CUMA au Bénin portaient sur l’acquisition des ensembles tracteur-charrue-remorque.
A l’occasion d’une mission nous avons rencontré les principales banques du BENIN et nous avons pu identifier un certain nombre de freins à ces crédits :
- Inadéquation entre la durée du financement et le matériel.
Les crédits sont mis en place sur 3 ans maxi pour un amortissement « normal » de 7 ans. Cependant certains ont prouvé que si les surfaces prévues sont bien emblavées les remboursements sont possibles.
- Mauvaise gestion de la trésorerie
Les rentrées d’argent issues de la récolte servent à régler des dépenses personnelles ; dans d’autre cas la récolte est stockée pour spéculer sur le prix alors que la date d’échéance du prêt est dépassée ce qui génère des intérêts de retard conséquents (1% par mois)
- Mauvaise connaissance du fonctionnement du système bancaire.
Seul le montant de l’échéance est payé sans intégrer tous les frais annexes (frais de dossier, fonds de garantie, assurances, intérêts de retard,)
- Amalgame entre le remboursement du prêt et le fonctionnement du matériel
Les agriculteurs ne remboursent pas le prêt si le matériel est en panne, ils ne font pas la dissociation entre le contrat de prêt et l’utilisation du matériel. D’où l’importance d’un bon entretien et de structures afin d’assurer la maintenance.
- Financements de faibles montant laissés aux organismes de microcrédit
Ces organismes pratiquent des taux très élevés (24% l’an) pour des montants maximums de 1.000.000 de CFA sur 4 ans. Sur ces bases, un tel financement génère des intérêts annuels de 663.702CFA ! ou 564.888 CFA si remboursements mensuels…
Tous ces points sont à l’origine de problèmes dès la mise en place du crédit faute d’explications claires ou de compréhension des adhérents. A noter cependant que le système bancaire évolue avec un maillage d’agences mieux réparti sur le territoire qui permet de meilleures relations avec les agriculteurs.
II LA MISE EN PLACE DES PRÊTS A TAUX 0%
Le développement des CUMA de transformation et de maraichage a mis en évidence des besoins de financements destinés à acquérir (toujours en CUMA) les outils nécessaires à la transformation ou à l’irrigation.
Aujourd’hui ces groupes de femmes font appel à des prestataires extérieurs (chers et pas toujours disponibles) ou disposent d’un matériel vétuste, peu ou pas entretenu et ne répondant à aucune norme sanitaire)
Nous avons également constaté qu’un matériel « donné » était l’objet de beaucoup moins d’attention qu’un matériel acquis suite à une longue épargne. Quand le matériel donné était en panne il suffisait parfois d’en attendre un autre…
C’est pourquoi nous avons souhaité mettre en place des prêts à taux % dont la durée serait adaptée à la durée de vie du matériel, et surtout dont les remboursements seraient cantonnés sur un compte dédié afin de pouvoir, dès que le solde du dit compte le permettrait, proposer un nouveau prêt à une nouvelle CUMA, d’où le terme SOLIDAIRE.
Exemple : la mise en place de 10 prêts 0% de 1.000.000 chacun débloqués le 01/01/N à échéance trimestrielle de 83.340 CFA permet de proposer un nouveau financement de 1.000.000 CFA dès la fin du 2éme trimestre de N+1.
Nous avons proposé à deux bailleurs de transformer le montant de leur subvention en cette ligne de prêt à 0% en leur exposant les problématiques ci-dessus. Deux Fondations, SEED et AVRIL, ont accepté ce type de financement, ce qui nous a permis de doter en matériel 15 CUMA de transformation .
III Les conditions de mise en place.
Avant de proposer ce type de financement aux adhérentes des CUMA, il nous a fallu former les 4 animateurs et le coordonnateur au BENIN afin qu’ils puissent eux même le présenter aux adhérentes.
La mission d’AVRIL 2019, orientée en partie sur les « journées Tapioca à DOGBO » a été l’occasion de, présenter ce projet à plus de 200 adhérentes, aux organismes gouvernementaux et professionnels, de le mettre en pratique et de faire évoluer les outils prévus, en concertation avec les animateurs et après les avoirs testés sur le terrain :
Ont été conçus :
- Un module de présentation des prêts 0%
- Un outil de suivi des échéances
- Comparateur PTZ vs microcrédit
- Les documents nécessaires à la mise en place (contrats,)
L’octroi de ces crédits a été conditionné par plusieurs critères :
- L’acquisition d’outils adaptés répondant aux normes d’hygiène alimentaire. Nous avons rencontré à PORTO NOVO une petite entreprise qui fabrique des râpeuses et des tamis en inox (pour le tapioca) et des batteuses à soja. Les entreprises de la région de DOGBO proposent des râpeuses en fer peinte avec de la peinture non alimentaire !
- La conformité juridique de la CUMA.
- L’obligation de tenir et de présenter une comptabilité.
- L’obligation de suivi régulier par un animateur référent.
IV BILAN AU 30 novembre 2020 .
SEED fondation travail du manioc (râpeuse, tamis, et bassines en inox, tricycle)
Fondation AVRIL travail du SOJA (batteuse)
V OBJECTIFS .
- Pérenniser cet outil en continuant avec nos bailleurs actuels et convaincre les futurs de l’intérêt et de la pertinence de ce modèle en démontrant l’effet de levier apporté par rapport à l’octroi de subventions.
- Conditionner l’octroi des prêts à l’acquisition de matériel répondant aux normes alimentaires (première étape vers une labélisation des produits finis) et à la mise en conformité administrative et juridique des CUMA
VI CONCLUSION .
Ces prêts sont une réponse adaptée et financièrement acceptable aux besoins des adhérentes des CUMA de transformation. Ils permettent de les accompagner grâce au suivi des animateurs (formations des agricultrices) et de conforter le réseau CUMA par des coopératives bien structurées répondant aux normes gouvernementales.
. « Le risque c’est que ça marche ! »